Forte de son expérience et de la détermination de ses acteurs, l’industrie aéronautique tunisienne a parcouru du chemin. Après avoir gagné en maturité, l’industrie nationale devrait poursuivre son positionnement sur l’échiquier aéronautique mondial par l’attraction de nouveaux acteurs de référence.
La Tunisie est l’une des économies compétitives et performantes de la rive sud de la Méditerranée. Elle offre une plateforme de développement appropriée des activités aéronautiques, dotée de ressources humaines qualifiées et à des coûts concurrentiels.
Le secteur aéronautique en Tunisie est doté d’une chaîne de valeur efficiente dans un environnement compétitif. Les activités industrielles sont concentrées, essentiellement, sur le travail du métal et la production de pièces mécaniques dans une trentaine d’entreprises, qui est suivi par le câblage et sous-ensembles électriques-électroniques, la production de pièces en matériaux composites, le traitement de surface et la peinture, la fabrication de pièces techniques en plastique…
Selon le Groupement des industries tunisiennes aéronautiques et spatiales (Gitas), l’objectif est de doubler les investissements dans ce secteur à l’horizon de 2030, sachant que l’industrie aéronautique en Tunisie contribue au PIB à hauteur de 3,5%.
Les opérateurs misent gros sur les années à venir
La Tunisie vient de lancer un référentiel et un tableau de bord pour le secteur aéronautique en vue de donner plus de visibilité à ses filières et attirer davantage d’investisseurs étrangers et locaux. Le référentiel comporte la liste des entreprises, leurs adresses, leurs sites électroniques et leurs activités, tandis que le tableau de bord récapitule les principaux résultats de l’enquête réalisée auprès des industriels (données générales, répartition des entreprises et emplois par gouvernorat…).
Selon ces documents, 40 sociétés dans l’aéronautique, dont 90% sont certifiées, tandis que 10% sont en cours de certification. La répartition régionale a fait ressortir que 30% des entreprises de l’aéronautique sont installées à Ben Arous, 30% à Sousse, 10% à Nabeul et 30% dans d’autres régions.
Dans l’aéronautique, les sociétés sont actives dans l’industrie des pièces et composants (85%) et les systèmes modules (13%). Les données ont fait ressortir que plus de 80% des entreprises opérant dans les deux secteurs affichent un chiffre d’affaires qui dépasse 500 mille euros. En outre, 15% des entreprises aéronautiques déclarent investir plus de 5% de leurs chiffres d’affaires dans la Recherche et Développement.
Le vice-président du Groupement des industries tunisiennes aéronautiques et spatiales (Gitas), Islem Ben Mbarek, précise que les entreprises dans ces domaine ont continué de croître en dépit de la crise du Covid-19, faisant savoir qu’après la pandémie, la chaîne d’approvisionnement est en train de se recomposer dans le monde, et la Tunisie devrait en profiter.
L’objectif, d’après les opérateurs, est « de stimuler la montée en valeur des projets d’investissement dans ce secteur, de porter le taux d’intégration de 40 à 48% et de créer des postes d’emploi supplémentaires aux 80 000 emplois déjà existants ». Rappelant que l’industrie tunisienne des composants aéronautiques a le potentiel pour monter davantage dans la chaîne de valeur et se positionner sur de nouveaux créneaux à plus forte valeur ajoutée : activités techniques de composants plastiques, traitement de surfaces, tôlerie fine, développement de logiciels, modélisation des pièces 3D et automatisation des tests logiciels.
Les professionnels estiment que le secteur enregistrera une croissance soutenue, plus qualitative et plus durable au cours des prochaines années. La plateforme tunisienne de l’industrie aéronautique n’est plus à présenter et les grandes entreprises deviennent la cible de croissance privilégiée des plus grands noms de l’industrie mondiale.
Force est de reconnaître que les principaux facteurs de développement de cette industrie résident d’abord dans l’emplacement stratégique de la Tunisie, au carrefour de l’Europe et de l’Afrique, qui lui permet de servir de plaque tournante pour les activités aéronautiques dans la région. La disponibilité d’un vivier de professionnels qualifiés est un autre facteur essentiel pour répondre aux besoins de l’industrie.
Cependant, la fuite des ressources humaines (RH) notamment vers d’autres pays est une problématique majeure que dénoncent les entreprises industrielles et surtout de services en aéronautique. A savoir que certaines entreprises de services renouvellent annuellement 20% de leurs ingénieurs.
Tendance croissante
Les exportations tunisiennes ont augmenté régulièrement pour passer de 392 MD en 2012 à plus de 1.640 MD en 2019. Contrairement à cette tendance croissante et régulière, une chute a été enregistrée en 2020, soit 1.109MD d’exportation. Ceci est expliqué principalement par la crise mondiale du Covid.
Les exportations représentent en moyenne 80% des exportations globales du secteur. 70% des exportations de l’industrie aéronautique sont réalisées par 4 opérateurs exclusivement aéronautiques.
Il est à noter que le nombre d’entreprises (de 10 emplois et plus) a bien augmenté sur la période 2004-2019, passant de 11 entreprises en 2004, à 81 en 2017, avant de subir une baisse à cause des retombées de la crise sanitaire (2020-2021). En janvier 2022, le secteur compte 55 entreprises industrielles et 14 entreprises de service (ingénierie, conception, prototypage,…). En fait, la baisse de nombre total d’entreprises s’explique par deux facteurs, à savoir le rachat des petites industries par d’autres groupes plus grands lors de la crise sanitaire, et la perte des marchés à cause de la crise sanitaire pour les unités qui travaillent partiellement dans le secteur aéronautique.
En ce qui concerne le nombre d’emplois, il est passé de 1.310 personnes en 2004, à 12.674 salariés en 2017, pour chuter à 9.728 en décembre 2021.
Ces entreprises sont à plus de 90% des sociétés off-shore, elles sont aussi en majorité filiales d’entreprises étrangères de groupes français. Plus d’une dizaine d’entreprises industrielles 100% tunisiennes sont recensées. Par ailleurs, certains opérateurs du secteur aéronautique sous-traitent quelques activités, principalement dans l’usinage des pièces métalliques, la soudure, la fabrication des outillages…
Malgré l’impact de la crise du Covid-19, de grands groupes aéronautiques ont choisi de rester en Tunisie comme « Aerolia », « AD Industrie », « Safran Tunisie »… D’autres se sont rachetées comme « Aero Stanrew » et la société de service Altran.
L’implantation d’Aerolia, au parc aéronautique d’El Mghira, a permis un transfert de compétence et une organisation aéro-structurelle, qui a contribué, d’une part, à la compétitivité d’un ensemble de sociétés assurant le montage de sous-ensembles simples et, d’autre part, à l’émergence d’un réseau local de sous-traitance.
Les entreprises du secteur aéronautique sont réparties sur 11 gouvernorats. 43% d’entre elles se trouvent dans la région du Grand Tunis avec une concentration dans le gouvernorat de Ben Arous qui est notamment due à la présence de plusieurs entreprises dans la Zone Industrielle d’El Mghira. Ces entreprises travaillent selon un modèle très particulier notamment au niveau de la logistique, des relations contractuelles et commerciales, des facilités douanières,… Le modèle présenté comme unique au monde permet ainsi aux opérateurs une optimisation des coûts et des délais qui sont très convoités dans le secteur de l’aéronautique.
La deuxième concentration géographique en nombre d’entreprises aéronautiques est au Sahel avec les gouvernorats de Sousse et de Monastir qui comptent 17 entreprises.8 entreprises sont situées dans les gouvernorats de Nabeul et de Zaghouan. « Zodiac » est parmi les premières entreprises à s’implanter en Tunisie dans la région de Soliman. L’entreprise a, depuis, connu une évolution très importante avec des investissements importants. Ceci a permis la création de trois sites qui fabriquent plus de 150 produits aéronautiques différents dont les sièges pour aéronefs, les galleys, les harnais de trains d’atterrissage….
La France détient la première place en matière de partenariat avec la Tunisie, soit 40 entreprises de production totalement exportatrice employant près de 8.441 personnes, ce qui représente 92% de l’emploi total du secteur. Malgré les perturbations dans la chaîne de production mondiale, les entreprises des filiales françaises implantées en Tunisie ont su maintenir leur activité et le nombre total d’emplois (8441 en 2021).